Ce qu'il restait de la nuit, la noirceur qui l'entourait, cherchaient à la convaincre de la nécessité d'une descente, d'une immersion lente et sans heurts. A bout de forces, elle se rebellait pourtant et parvenait à se revoir au milieu d'un bal de campagne, où seul le vin doré donnait de la joie, où personne n'était ivre, le cercle des danseurs tournoyait au rythme des chansons, se laissait porter par elles, ce cercle qui fut sien, où elle évoluait légère et vêtue d'une robe à fleurs, heureuse, ignorant rides et petites douleurs des articulations, la peau du visage si fraîche, si lisse, à laquelle l'heureuse fatigue donnait un teint de rose, un oeillet dans les cheveux, un oeillet dans la poitrine, un oeillet dans la bouche. Si heureuse et redoutant tant de ne l'être plus qu'elle tâtonna dans l'ombre pour attraper d'autres somnifères, davantage de jerez...
Le jour sombre dans les ténèbres, la réalité taraude le rêve, l'âge ronge les êtres comme des statues de sel, l'amour dépose ailleurs ses sortilèges ; onze textes brefs d'un maître du genre disent le vertige qui saisit chacun d'entre nous face à son destin, aussi précaire qu'inexorable.
Traduit de l'espagnol par André Gabaston